Imbaba, du marché aux chameaux au bidonville

copyright Magnums photosLe quartier d’Imbaba est situé dans le nord-ouest du Caire, faisant face à l’Ile de Zamalek, et bordé au sud par le quartier d’Agouza. Midan Kit Kat, du nom d’un ancien cabaret flottant sur le Nil, est la place emblématique du quartier et sert à la fois de rond-point et de station de microbus. Historiquement, le quartier abritait un marché aux chameaux , dernière étape pour les marchands qui vendaient leurs chameaux au Caire, après une long périple initié au Soudan. Certains pensent d’ailleurs qu’ « Imbaba » tire son origine de la langue tigrinya, dans laquelle « Embaba » veut dire fleur, à laquelle les marchands pouvaient faire allusion pour décrire l’endroit du bord du Nil.

Peuplé par un million d’habitants, Imbaba est un quartier populaire du Caire qui échappe aux stéréotypes et aux classifications habituels. Dès que l’on entre dans le quartier, on s’étonne des tuk-tuks, indispensables pour se déplacer dans les ruelles sans goudron,  qui sillonnent la rue du Soudan, longue de plusieurs kilomètres, à la recherche de clients. Il n’est pas rare d’y croiser certains expatriés, venus regarder un match ou participer à une soirée fondue au Club suisse, situé au bout d’une ruelle d’Imbaba, ou à la recherche d’Al Prince, restaurant égyptien connu dans toute la ville.

Malgré l’animation qui règne dans le quartier et la multitude de petits cafés, difficile d’ignorer l’extrême pauvreté qui se donne à voir : immeubles non terminés, sans-abris dormant en plein jour près du Nil et enfants au travail. Depuis les années 1980, le quartier a été abandonné par les autorités, avec un taux de chômage bien supérieur à la moyenne nationale, et des services publics de piètre qualité : écoles rudimentaires et assainissement inexistant notamment. Progressivement et bien avant la révolution de 2011, le quartier est devenu le fief des Frères musulmans et des salafistes, dont les militants étaient parmi les rares à apporter une aide matérielle aux habitants. En 1992, le groupe islamiste « Gamaa al Islmaiya » décrète le quartier d’Imbaba « émirat islamique », entraînant un siège du quartier par les forces de police qui mirent fin à cette tentative de mini Etat islamique à coups de bulldozers. En janvier 2011, le quartier a été l’un des plus actifs dans la mobilisation contre le régime Moubarak.

Imbaba abrite également une importante communauté copte et une dizaine d’églises, et est parfois le lieu de tensions entre les deux communautés : en 2011, les deux s’affrontent violemment, suite à la conversion d’une femme copte à l’islam et les rumeurs liées à cette conversion.

Deux ans après la révolution, rien ne semble avoir changé à Imbaba, malgré les promesses. L’une des marches du 25 janvier 2013 pour rejoindre la place Tahrir partira d’ailleurs d’Imbaba.

crédit photo: Magnum Photos

3 réflexions au sujet de « Imbaba, du marché aux chameaux au bidonville »

  1. C’est deux mondes bien différents le Caire….d’un coté tu as l’île de Zamalek qui est assez aisé (enfin je crois ) et de l’autre coté tu as un bidonville ou des gamins doivent travailler …c’est quand même dingue cette différence de vie quotidienne juste en face de chez toi , moi ça me ferai quelque chose ….m’enfin en tout cas ton article donne envie d’aller en Imbaba!!!

    • D’accord avec Morgane, et ravie de n’être pas la seule à qui cette note m’a donné envie d’aller voir l’endroit 😉 en dehors des salafistes, peut-être…

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